Une touche de magie, un soupçon de paranormal, une attraction
J’ai profité du Salon du livre de Paris pour rencontre Aurore Py (que je ne connaissais que virtuellement). Son livre dédicacé sous le bras, je me suis plongée dans son roman durant le trajet du retour. Il s’est dévoré d’une traite, de gare en gare.
« Ça part de traviole d’emblée et si je devais me présenter, je ne saurais trop par quel bout prendre ma vie. Aujourd’hui, elle se résume à être mère au foyer. J’ai 37 ans, trois enfants, un bel appartement au centre de Lausanne et bien que ça manque d’originalité, oui, je suis désespérée.
Avant cela, j’étais médecin urgentiste. Avant cela encore, je faisais le deuil de ma mère morte trop tôt et de mon père entré dans les ordres. Ah, et j’ai un frère, pas bien stable lui non plus. Un mari, par contre, qui l’est pour nous tous.
Mais tout ça, c’est sans compter le cadavre qui vient de s’inviter sur la poussette des twins… »
Tout est dit ou presque : ce roman intelligent et drôlissime vous propose de suivre les (més) aventures d’une jeune trentenaire qui se retrouve nez à nez avec un macchabée en sortant la poussette de ses jumeaux du placard de l’entrée. Parce qu’elle s’ennuie à pleurer, elle décide de se mêler de l’enquête policière et ça donne un roman extrêmement bien écrit, enlevé et malicieux.
La couverture est très belle, j’aime beaucoup ce style.
Entre roman et polar, l’écriture d’Aurore nous plonge de suite dans le récit et cette vie de famille qui pourrait être la nôtre ou celle du voisin. Une histoire où tout s’enchaîne rapidement, la curiosité est là, on se prend au jeu en suivant l’avancée des enquêtes (du policier et de la mère de famille).
Avis : Je ne peux que conseiller cette lecture. Sur la plage en été ou au coin du feu en hiver, toutes les saisons sont bonnes pour faire connaissance avec Adrien et Julie!
De plus, la maison d’édition de la Loupe, spécialisée dans les livres en gros caractères (en police 16.5), le publiera prochainement.
Quelques questions posées à l’auteur :
Le bilan après naissance entre ce que l’héroïne voulait et ce qu’elle a réellement réalisé m’a beaucoup amusé. Aurore, à combien de pourcentage de vécu personnel estimes-tu ce roman ?
L’intrigue principale et les intrigues secondaires n’ont rien d’autobiographiques. Seul le rapport à la maternité, à la grossesse et à l’allaitement est teinté de mon expérience, de mon ressenti, même si le trait est souvent grossi.
N’étant pas fan des mots anglais dans un récit j’ai un peu tiqué sur les termes qui ne me paraissaient pas du tout utiles dans cette langue, mais je comprends aussi ce petit « fil rouge ». Pourquoi ce besoin d’écrire « aux kids », « i.e », « overseas », « background », « clean », « girl friend », « back up », « safe » ?
Pour cet aspect, j’ai dû combattre un peu mon inclination naturelle. Je suis la première à tiquer devant les anglicismes de tout poil. Mais c’est ce qui est venu sous ma plume, et j’ai « laissé faire ». C’est cohérent, à mon sens, avec le rythme du récit, plutôt incisif, et aussi avec la réalité du personnage de Julie. Elle vit dans une ville avec 40 % d’étrangers, l’anglais est très présent dans le cadre professionnel, c’est quelqu’un chez qui ce tic de langage est assez logique.
J’assume le choix des mots anglais, mais je comprends parfaitement que ça puisque crisper.
Que le titre va bien au roman ! J’ai trouvé que l’utilisation des cycles avait beaucoup de sens dans le récit. En mode « prélavage » j’y vois une entrée en douceur dans le quotidien de Julie, sa famille, ses soucis, la découverte des personnages, puis le problème extérieur arrive. En cycle « lavage » les sentiments glissent un peu comme les tâches, les révélations s’étalent, on lave son linge sale en famille, des tâches apparaissent, d’autres disparaissent. Au début de « l’essorage », je crains fort que les surprises tombent encore et je ne suis pas déçue par l’apparition d’événements inattendus. Est-ce qu’à la création de ton récit tu avais déjà ces périodes et termes en tête ou est-ce que cela a pris forme au fil du récit, en fin d’écriture ?
Je suis contente que tu aies compris ainsi le découpage, parce que c’est tout à fait de cette façon que je l’ai pensé.
Il m’est venu en cours d’écriture, je voulais des intitulés plus originaux que « Partie I », « Partie II » etc., et les cycles de lavage ont fini par s’imposer, comme une évidence. Le titre définitif n’est pas celui que j’avais initialement soumis, mais je ne regrette pas le changement. Je trouve le titre retenu très efficace.
Deux phrases ont retenu mon attention : « Adrien était mon mari. Un mari extraordinaire avant qu’il ne devienne ordinaire » et « Qui est là à présent pour me consoler d’un mari aussi lâche que la vie, aussi salaud que la mort ? ». Ton mari t’a-t-il conseillé pour cette histoire ? Ou n’a-t-il été présent qu’en tant que bêta-lecteur ?
D’abord, je tiens à souligner que je ne me suis pas inspirée de mon mari pour brosser le personnage d’Adrien, de même que Julie n’est pas moi.
Je fais parfois lire à mon mari l’un ou l’autre extrait en cours d’écriture, mais il ne me conseille pas sur l’intrigue. Par contre, il est mon premier lecteur, toujours. Il a un œil juste, il n’est pas complaisant, mais il n’est pas non plus blessant dans ses critiques, c’est un bon correcteur, un bon baromètre. Si je le fais rire, si je l’émeus, c’est que ça fonctionne.
Ton histoire coule tout seule, on suit la vie de Julie sans se poser d’autres questions que celles qu’elle soulève et c’est ce qui rend ce récit si vivant, si rapide à lire. Tu sais immerger le lecteur dans un quotidien simple (enfin pas si simple avec trois enfants, une nounou, un frère théoriquement pas stable et un mari dont je ne dirai rien pour ne pas dévoiler l’histoire) et qui pourrait arriver à tout le monde. J’ai été étonnée tout de même que Julie attende patiemment les explications de son mari. C’est la seule chose qui m’a fait tiquer sur ce récit. Ah non, il y a autre chose aussi : à plusieurs reprises tu utilises l’adjectif « concomitant ». Est-ce que c’est la sonorité qui te plaît ?
C’est vrai que j’ai fait monter doucement la sauce. Julie n’a jamais eu l’occasion de douter de son mari, attendre ses explications, c’est repousser le moment où le voile se lèvera. Tant qu’on n’a pas de certitude, on peut toujours tenter de se convaincre que la situation n’est pas si dramatique qu’elle en a l’air.
J’aime bien le mot « concomitant », oui, ça rebondit en quelque sorte, et puis il n’est pas si fréquent. Mais je n’avais pas réalisé l’avoir tant utilisé !
Il y a aussi un terme que j’ai découvert et que j’essaierai de replacer dans une conversation, c’est « Amphigouriquement ». Tu es allée le chercher où celui-là ?
Il est marrant, celui-là, non ? Je cherchais un synonyme d’ »alambiqué », mot que j’aime bien aussi, mais que j’avais déjà utilisé. « Amphigourique » est un mot très littéraire à la base, mais je trouve que sa sonorité servait le côté humoristique du roman.
Comment s’est passée et se passe la collaboration avec les responsables des éditions de L’Aube ?
Très bien ! Tout est allé vite, puisque j’ai signé mon contrat en octobre 2015, et que le roman est sorti en mars. Les choses se mettent en place naturellement, je n’ai pas à réclamer. Le roman est très bien distribué. C’est une collaboration à la fois reposante et stimulante, très cordiale – amicale, même.
Pour terminer, quelle est ton actualité et sur quel projet travailles-tu ?
Mon actualité, c’est la promotion de Lavage à froid uniquement, avec deux salons prévus : le Festival international du roman noir à Frontignan (Hérault). J’y serai du 24 au 26 juin. Et Le Livre sur les Quais à Morges (Suisse) qui se déroulera du 2 au 4 septembre. Et sinon, je suis en plein dans l’écriture de mon prochain roman. Je vais garder le même ton que pour Lavage, ce sera une enquête aussi, mais je vais changer de cadre et de personnages. On suivra les tribulations de quelques pensionnaires d’une maison de retraite et ça ne sera pas de tout repos.
J’adore cette idée ! Et bien voilà, j’ai déjà hâte de découvrir les aventures de ces pensionnaires ! Bonne continuation et à très vite.
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